Acheter une île privée est la réalisation d’un rêve de toute une vie. Au-delà de l’investissement d’argent, il s’agit aussi et surtout d’un investissement personnel avant et après l’achat. En conséquent, vous devrez déjouer un certain nombre de pièges et trouver les meilleurs interlocuteurs.
La checklist indispensable
1. Combien de temps suis-je prêt à prendre pour me rendre sur mon île ?
2. Ma santé limite-t-elle les possibilités ?
3. Mes projets immobiliers sont-ils réalisables là-bas ?
4. M’adapterai-je aux contraintes locales (météo, législation, culture…) ?
5. Puis-je espérer un retour sur investissement ?
Quel lieu vous conviendra vraiment ?
Durant la phase de prospection, quand acheter une île déserte n’est encore qu’un rêve vague, tout semble facile et possible. Une zone géographique se dessine plus ou moins précisément, par exemple le Golfe du Morbihan lorsque l’on est attaché à la Bretagne, ou les Caraïbes parce que les dernières vacances là-bas furent une révélation. Un budget est établi, sachant qu’il sera en moyenne nettement plus important en Europe que dans le Pacifique.
Cependant, vous réaliserez vite que le marché est complexe et que des îles a priori semblables sur les photos diffèrent du tout au tout au niveau du prix et du confort. Vous avez donc tout intérêt à examiner un maximum de biens.
Voici 3 éléments de base - et dont l’impact sera quotidien - qui vous aideront à affiner votre choix :
Le climat et les risques naturels
Que vous optiez pour une île tropicale, bretonne, canadienne, suédoise… votre choix soulèvera différentes questions liées au climat loin de se réduire à la pluie et au beau temps. Si la pluie vous insupporte, vous devriez probablement renoncer à certaines zones ou à jouir de votre bien à certaines périodes de l’année (l’île ne sera donc pas votre résidence principale). Certaines personnes ne supportent pas l’humidité et la chaleur équatoriale. Mais selon la zone du globe dans laquelle se situe une île, des questions plus importantes encore peuvent s’imposer d’elles-mêmes :
- y a-t-il des risques sismiques (notamment de tsunami) ou volcaniques (voir la carte) ?
- y a-t-il des risques climatiques (typhons…) ?
- le débarquement est-il risqué (houle en permanence) ou impossible à certains moments (l’hiver dans certaines îles de l’Atlantique Nord) ?
D’autres contraintes naturelles sont plus inattendues de ceux qui n’ont pas une longue expérience des voyages. C’est le cas de la concentration de moustiques à telle ou telle latitude, toute l’année (comme dans la plupart des îles du Pacifique) ou seulement à certaines périodes (l’été dans les régions nordiques : Canada, Finlande…), et le problème de leur dangerosité. Quand la question n’est pas oubliée, elle parait secondaire, et pourtant, elle peut radicalement gâcher vos séjours… Vous trouverez de nombreuses informations à ce sujet sur le site de Vigilance Moustiques.
Plus généralement, la faune locale n’est pas à négliger. Dans le cas extrême de l’île de Queimada située au large du Brésil, qui est par ailleurs magnifique en photo, la concentration de serpents avoisine les 1 pour 1 mètre carré. D’autres abritent des colonies d’oiseaux dont la présence peut être plus ou moins nuisible. De tels lieux sont souvent des réserves naturelles protégées et non pas des sites proposés sur le marché des îles privées. Néanmoins, savoir que certains reptiles ou arachnides ont élu domicile sur un site a priori paradisiaque peut refroidir un acquéreur…
L’isolement : avantage ou inconvénient ?
Beaucoup d’acheteurs recherchent une certaine solitude sur une île déserte, par contraste avec une vie intensément urbaine le reste de l’année ou durant la période d’activité. La recherche de la discrétion peut également peser dans le choix : inutile de se faire épier par des bateaux de touristes, des journalistes plus ou moins bien intentionnés… ou par des insulaires voisins. N’hésitez pas à vous renseigner sur l’activité autour de votre futur bien et le cas échéant sur vos voisins possesseurs eux aussi de leur propre île.
L’isolement et la discrétion ont cependant un revers, et quelques précautions sont importantes à prendre.
Voyage : devoir faire 10h d’avion puis 3h de bateau pour rejoindre son île du Pacifique lorsque l’on habite Los Angeles a quelque chose de rebutant, surtout si l’on est encore actif et que les congés ne dépassent guère 10 jours consécutifs. Par expérience, les agences spécialisées savent que plus de 12h de vol finissent par faire tourner court à l’aventure, sauf si l’on a la possibilité de séjourner plusieurs semaines ou mois par an. Demandez vous combien de temps vous pourrez profiter de votre bien durant l’année et à quelles conditions d’accès. Pour une estimation rapide du temps de trajet lors de la phase de prospection, utilisez un site tel que Rome2Rio.
Logistique : le ravitaillement peut devenir un véritable casse-tête si la ville la plus proche est à plus de 200 km, en plus d’être naturellement plus coûteux. Conjugué avec des conditions climatiques peu propices, ces difficultés peuvent même compromettre votre sécurité et celle de vos proches, en particulier si l’eau potable nécessite absolument un ravitaillement régulier. Dans le cas extrême de l’île de Clipperton, l’atoll le plus isolé au monde qui appartient à la France, il n’y a pas d’autre terre à moins 945 km, et s’installer à semblable endroit serait une folie…
Santé : une relative proximité avec un centre de soins, même pour les personnes jeunes et en bonne santé, sera toujours rassurante et permettra de faire face en cas de maladie contractée sur place ou d’accident. Mais la chose est d’autant plus sérieuse pour les personnes cardiaques ou souffrant de maladies chroniques. Un accès aux secours deviendra un point clef. N’hésitez pas à vous faire conseiller par un professionnel de santé en fonction de votre situation personnelle, en n’oubliant pas d’anticiper. Renseignez vous également sur les risques sanitaires propres au pays via le site officiel de l’OMS.
Enfin, psychologiquement, l’isolement peut être difficile à vivre au bout de quelques jours, que ce soit par vous-même ou vos proches qui vous accompagnent. La vue d’une terre à l’horizon, une embarcation sûre amarrée à un espace aménagé et un climat clément sauront certainement être rassurants dans la durée. De même, être à l’aise avec la culture des habitants de la zone sera aussi un atout, y compris lors de vos déplacements et loisirs (shopping, visites…).
L’environnement légal et politique
Légalement, devenir propriétaire d’une île impose quasiment dans tous les cas des contraintes de divers ordres.
Immobililier : la propriété (quand elle est possible, ce qui n’est pas le cas pour toute île) ne rime pas toujours avec permis de construire. Les choses sont d’autant plus complexes quand, sur certaines, le patrimoine a une valeur historique ou culturelle. Dans certains cas, la législation peut vous interdire de louer votre île, ce qui aurait pu compenser de manière non négligeable les frais qu’elle nécessitera en aménagements ou en entretien. Par ailleurs, certains pays n’accordent pas nécessairement de droit de propriété aux non-résidents, ou seulement pendant une durée limitée (en général entre 10 et 99 ans). N’hésitez pas à vous renseigner avant l’achat afin d’éviter toute contestation ou déconvenue, par exemple auprès d’autres personnes qui ont acheté une île dans la même zone.
Ecologie : les îles privées restent souvent proches de zones protégées. Les écosystèmes sont généralement fragiles et la législation stricte. Si vous allez acquérir une propriété déjà entièrement aménagée, les difficultés seront minces. En revanche, si vous optez pour une île vierge sur laquelle votre projet est de construire une résidence, voire un complexe touristique, assurez vous que la chose soit possible. Il vous faudra par ailleurs l’aval des autorités après une étude des conséquences de votre projet sur l’environnement. Plus généralement, vous devrez absolument limiter votre « empreinte écologique », y compris au quotidien (gestion des déchets, eaux usées…). Enfin, même si la menace ne va pas de soi au premier coup d’œil, anticipez la montée du niveau des océans dans les décennies à venir.
Politique : n’oubliez pas que dans certains endroits du monde, l’insécurité et la corruption sont plus répandus qu’ailleurs. L’instabilité politique peut au mieux être source d’angoisse, au pire avoir des conséquences concrètes fâcheuses sur votre bien et vous-même. Sans dramatiser cet élément, ne le négligez pas si votre lieu de prédilection est connue pour ses risque de cet ordre. Retrouvez la carte des zones à risques dans le monde réalisée par GEOS, le leader européen du management des risques.
Les aménagements à prévoir
Si vous n’optez pas pour un bien « clefs en mains » mais préférez plutôt construire votre projet, ou si, comme il arrivera parfois, l’équipement est incomplet, voici les principaux aménagements nécessaires pour votre confort.
Le principal point est celui de l’autonomie, au minimum en eau et électricité. L’eau courante sera sans doute l’aménagement le plus coûteux si vous devez le réaliser. L’électricité dépend en général d’un groupe électrogène robuste, qu’il ne faudra naturellement pas négliger d’alimenter. Mais vous pouvez aussi réfléchir à l’opportunité d’opter pour l’énergie solaire, ou encore éolienne si votre île est plutôt venteuse.
L’autonomie alimentaire sera également un point clef. Vous dépendrez soit de navettes, soit, dans la majorité des cas, de votre propre gestion. La possession ou location d’une embarcation ou d’un hélicoptère (dans le cas où votre île serait inaccessible autrement) vous rendront immensément service.
Dans tous les cas, la prévoyance sera votre alliée pour ne pas avoir les désagréments d’une panne d’électricité faute de carburant stocké, d’un ravitaillement dans l’urgence, ou pire, d’un ravitaillement impossible pendant une période donnée avec des réserves trop maigres pour faire face.
Un autre élément d’importance est l’accessibilité des lieux par voie maritime (le plus souvent) ou aérienne (quand la voie maritime est impossible). Selon la taille de votre bateau et la nature des fonds, vous pourrez débarquer directement sur la terre ferme ou serez contraint de mouiller au large et d’utiliser une embarcation légère. Si les fonds et la législation vous le permettent, il sera toujours plus confortable d’aménager votre quai privatif ou un ponton. Pour l’hélicoptère, il faudra entretenir une zone d’atterrissage bien dégagée et conçue dans le respect du milieu naturel.
L’île privée comme investissement : ce qui est possible
La chose doit être posée d’emblée : dans 90% des cas, l’achat d’une île n’est pas un investissement rentable, sauf si l’on compte y développer un complexe touristique haut de gamme (ce qui est plutôt l’exception parmi les intentions des acheteurs).
La revente avec plue-value : possible mais rare
Les experts du marché sont formels : Alexander Kraft, le PDG de Sotheby’s Realty France-Monaco, confiait au Figaro qu’ il ne faut pas « compter sur une plue-value à la revente ». Tout comme un yacht, l’achat d’une île suppose des frais d’entretien annuels, pouvant aller jusqu’à 10% de son prix d’achat et plus. Ce budget dépend essentiellement :
- des difficultés plus ou moins importantes de ravitaillement
- du coût de la vie en général dans la zone géographique
- des contraintes et risques naturels
- de l’ampleur des aménagements et de leur entretien (dont le surcoût est autour de 30 à 40% par rapport au continent)
A cela, il faut ajouter les assurances et les diverses taxes, l’éventuel entretien d’un monument historique, les frais pour se rendre sur place…
Une revente d’un montant supérieur au prix d’achat est donc fort possible, mais elle couvrira rarement l’ensemble des frais que l’on pourrait qualifier d’usage. En outre, comme le marché reste limité, la revente prend en moyenne un an, durée pendant laquelle les lieux devront être particulièrement irréprochables.
La location ou l’aménagement d’un complexe
La location ne couvrira pas tous les frais liés à la possession de l’île, mais elle pourra les réduire de manière non négligeable, surtout si vous ne pouvez jouir pleinement de votre bien que quelques semaines par an. Par ailleurs, le marché est là aussi limité. Cependant, avant même d’y songer, vous devez examiner en amont si la législation locale vous y autorise.
La question de la création d’un complexe touristique sera la même. Outre la possibilité légale, la création d’un dossier comportant de nombreux justificatifs restera nécessaire, et la difficulté demeurera d’évaluer la réelle rentabilité du projet à terme. Sans une grande détermination, des partenaires de confiance, de (très) gros moyens et un business plan (très) solide, le rêve sera pour ainsi dire inaccessible.
Les meilleurs interlocuteurs
Voici les 2 sites web de référence pour trouver l’île de vos rêves :
- http://www.privateislandsonline.com/ : à l’origine, il s’agit du magazine Private Islands, basé à Toronto. Il a développé sur sa version en ligne un espace d’annonce, mais aussi un guide d’achat complet. La société propose de nombreux services, en particulier à l’attention des acheteurs et vendeurs dans les Bahamas. Ses intermédiaires peuvent prendre en charge la gestion du patrimoine, les emplacements dans les marinas…
- http://www.vladi-private-islands.de/ : il s’agit du site web de Farhad Vladi, un spécialiste de la vente d’îles depuis plus de 40 ans. Outre l’accès à un large choix d’annonces, vous pourrez entrer en contact avec lui : il jouera le rôle de consultant pour le développement de vos projets. Particulièrement passionné, il édite également l’application The World of Private Islands sur iPhone.
Sachez que 25% des vendeurs ne diffusent pas d’annonce sur Internet ou dans les magazines spécialisés. En général, seuls les agents immobiliers spécialisés ont connaissance de ces biens. En contactant les sites précédents, vous pourrez être mis en relation avec eux.
Vous pouvez aussi vous tourner vers Sotheby’s Realty, sachant que le choix de biens sera très limité, mais exceptionnel : il s’agira sans doute d’un excellent interlocuteur pour un budget supérieur à 30 millions de dollars. Mais si le sérieux de l’établissement ne fait pas de doute, son domaine de compétences est plus vaste que la vente d’île, donc moins spécialisé…